L’autre jour, mon amoureux a pris le train pour venir me chercher à 2h d’Orléans et me ramener à la maison avec la voiture. Je lui ai demandé ce service, car à l’heure où je devais conduire, il y avait le cours en visio du cursus de certification pour enseigner la Wheel of consent (roue du consentement). Ce cours est important pour moi et la présence « live » y est recommandée.
Parce qu’il me soutient et qu’il était dispo ce jour-là, il a accepté de me rendre ce service. J’ai pu participer au cours relativement facilement et en sécurité.
Enorme super merci !
Au moment de lui rembourser le billet de train, comme on l’avait convenu, il me dit « non, vraiment, j’ai trouvé le paysage magnifique, il faisait beau, la ville découverte est plus belle que je pensais, j’ai fait de belles photos : ça m’a fait plaisir, j’ai déjà été « remboursé ». »
Qu’en pensez-vous ?
Est-ce que quand on a eu plaisir à rendre un service, c’est exagéré d’accepter le remboursement des frais engagés pour ce service ?
Le plaisir ressenti efface-t-il la notion de service rendu ?
La roue du consentement éclaire nos interactions
La roue du consentement, modèle développé par Dr Betty Martin, nous aide à mieux comprendre les dynamiques relationnelles à partir des deux questions qui la structurent :
- Qui fait l’action ?
C’est lui qui fait l’action : il effectue le trajet et vient me chercher.
- Pour qui est l’action ?
Cette action est pour mon bénéfice : son action me permet de suivre ma formation.
Ainsi,
Je suis dans la quadrant ACCUEILLIR. Ma responsabilité est de :
- Mettre mon désir en premier et de faire une demande claire
- Rester à l’écoute de ses limites, pour ne pas les outrepasser. C’est pourquoi j’avais initialement prévu de prendre en charge les frais de train.
Il est dans le quadrant SERVIR. Sa responsabilité est alors de :
- Mettre son désir initial de côté pendant un moment (ex. avancer dans son travail)
- Veiller à ses limites, pour que le service soit fait de bon cœur, sans frustration (ex. éviter de me rappeler pendant 3 semaines combien il a été « gentil » et que « je peux bien lui faire ci ou ça pour compenser»)1
Poser des limites est une condition pour être généreux
Veiller à ses limites, c’est s’assurer qu’il reste dans la zone de ce qu’il « veut bien » faire, parfois ça peut inclure d’accepter volontiers de s’ennuyer un peu. D’autres fois, le service rendu peut aussi être agréable (ex. voir de très beaux paysages) : le plaisir est ici un BONUS, pas un indicateur du bénéficiaire. Le service reste bien pour moi, et, en plus, mon ami a eu le bonus de passer un chouette après-midi.
Le plaisir ressenti par celui qui “SERT” est un bonus, et non une condition pour définir le bénéficiaire du service.
Plaisir et service
Si j’ai eu du plaisir, est-ce que c’est encore vraiment un don ou un service ?
Oui.
Le plaisir est en bonus.
Et il aurait pu ne pas être présent. On peut accepter un déplaisir ponctuel car on est d’accord de rendre ce service pour l’autre. Ca nourrit quelque chose en nous (ex. une valeur, une vision de l’écologie des relations, etc…) qui justifie ce déplaisir momentané, dans le cadre de limites auxquelles on veille.
Il n’y a pas de gloire relationnelle à aller au-delà de nos limites, mais plutôt un risque d’accumuler des attentes masquées qui risquent de remonter à la surface plus tard, au détriment de la relation ou de notre équilibre…
Conclusion sur l’utilité du consentement au quotidien
Si on prend du recul sur cette situation, ça nous rappelle aussi à quel point il est important de SAVOIR ACCEPTER, DE SAVOIR RECEVOIR pour voir nos besoins et désirs satisfaits en direct et ne pas avoir besoin de « rendre des services » pour espérer recevoir quelque chose derrière « l’apparent » don.
Recevoir est très vulnérable, c’est pourquoi il peut être délicat de demander ou d’accepter. Et pourtant, c’est là où se loge la générosité vraie et l’équilibre de relations où le cadeau peut être offert et accepté de chacun.
Et alors je paie ?
Il n’y a pas de règle, ou de jugement moral, on peut renégocier ou changer d’avis. Chaque situation change.
Ici, oui je vais payer. Car c’est dans notre accord initial et pour construire la confiance dans le temps, j’aime m’y tenir. C’est un acte de clarté sur nos dynamiques relationnelles, ça m’évite de mettre un petit caillou « manque de justesse » sous le tapis de la relation : j’ai déjà osé demander cet énorme service, il me semble juste d’équilibrer. Et tant mieux si, en plus, il a aimé le voyage.
Et maintenant, j’attends le week-end car je sais que nous avons prévu des moments chouettes où chacun pourra être nourri dans ses désirs et ses envies.
La roue du consentement c’est un outil de clarté relationnelle, mais c’est aussi et surtout un outil pour nourrir le fun et le plaisir !
Notes de bas de page :
- Si on accepte un service pour plus tard l’utiliser pour obtenir quelque chose, alors, on n’est pas en SERVIR… on est en train de PRENDRE pour soi de manière déguisée, en dehors de tout accord clair. Rappelez-vous l’exercice « pourquoi ne demande-t-on pas ? et que fait-on à la place ? » de l’atelier « Oser demander » ou « Apprendre à donner et recevoir ». ↩︎